Choisir d’allaiter ou non est une question qui traverse toutes les futures mamans. Et si elle ne se l’énonce pas, les autres se chargeront de l’interroger ! En effet, l’avènement des laits infantiles a apporté une alternative à l’allaitement au sein et c’est un thème qui soulève beaucoup de discussions. Quelle que soit votre position sur le sujet, des éléments sous-jacents l’influencent. Voici 10 facteurs qui vont vous permettre de vous questionner.
Cet article est basé sur mes échanges avec Natacha Butzbach Psychologue spécialisée en périnatalité dans l’épisode 23 de Milkshaker.
1. Le rôle des représentations dans l’entourage et la société dans le choix d’allaiter ou non
Comme dans toutes les décisions qui jalonnent notre vie, nos représentations impactent le choix d’allaiter ou non. Aujourd’hui, l’allaitement est peu visible et peu pratiqué “en public”. Nous sommes beaucoup plus habitués à voir des bébés avec un biberon qu’au sein de leur mère. Or, c’est en visualisant des modèles qu’on les ancre dans notre inconscient. Cela normalise, éclaire et rend les choses plus sereines une fois qu’on les vit.
Ainsi une appréhension de l’allaitement au sein peut être liée à ce manque de repères depuis l’enfance.
2. Le rapport au corps
Plusieurs craintes peuvent survenir concernant cette relation.
- La pudeur qui fait redouter d’allaiter où on le souhaite.
- La peur que les tétées abîment ou déforment la poitrine.
- Certaines femmes ayant bénéficié de chirurgies esthétiques mammaires peuvent douter de la bonne marche de la fonctionnalité nourricière.
- Des agressions sexuelles qu’elles soient conscientisées ou non, peuvent rendre l’allaitement au sein inenvisageable.
L’allaitement au sein confronte ainsi les mères à leur histoire corporelle, ce qui peut être déstabilisant au moment de choisir d’allaiter ou non.
3. Le soutien et le regard de l’entourage
En premier lieu, le papa ou le coparent qui est directement impacté. Est-il en faveur de l’allaitement ? A-t-il des craintes ? Que s’imagine-t-il de son rôle ? Pour qu’un allaitement soit serein, il faut qu’il soit partie prenante et très soutenant. De façon plus large, la femme est confrontée aux remarques de sa famille et de ses amis et peut se trouver influencée par leur avis et leur vision.
4. La place du maternage proximal dans la société
La France a un des taux d’allaitement les plus bas au monde. Cela s’explique en partie par la vision négative du maternage proximal dans notre société. En effet, on considère que les enfants devraient être autonomes le plus précocement possible et cela crée une distanciation. La promiscuité avec son bébé à travers l’allaitement ou d’autres pratiques comme le portage et le cododo, serait un frein à cette autonomie désirée. Or, les enfants sont par essence dépendants des adultes que l’on choisisse d’allaiter ou non et la proximité entre les parents et le bébé ne gêne pas le développement de l’indépendance des enfants.
Par ailleurs, le modèle de la famille nucléaire contraint le parent qui reste seul avec le nourrisson, pendant que l’autre subvient aux besoins financiers, à une responsabilité solitaire qui n’est pas toujours épanouissante.
5. L’influence du travail des femmes
En France, le congé maternité est légalement de deux mois et demi. Or, c’est souvent à ce moment que l’allaitement devient plus simple et fluide si le démarrage a été compliqué. Cependant, le concilier avec une activité salariale est souvent un obstacle important pour des raisons d’organisation personnelle, de conditions logistiques et psychologiques dans l’entreprise et de facilitation des lieux d’accueil des bébés. Cela représente une charge mentale et émotionnelle qui induit souvent un sevrage.
6. L’objectification sexuelle des femmes
La société sexualise la poitrine des femmes. Ainsi, il est peu admis que ces seins soient visibles dans leur fonction nourricière puisqu’on y perçoit de l’exhibition sensuelle. Cela peut être très inhibant et déroutant pour celles qui souhaitent allaiter. Par ailleurs, certains conjoints peuvent considérer que ces seins leur appartiennent et être réticents à les « partager » avec le nouveau-né. Cette vision sexiste de la femme et de sa poitrine peut les conduire à ne pas vouloir l’utiliser à des fins de maternage.
7. Les liens entre les parents et le bébé
Certains couples avancent le choix du biberon et non de l’allaitement maternel, comme une volonté de faire participer le papa. Cela revient à considérer que seule la fonction nutritive permet de créer du lien avec son enfant. Or, les nourrissons ne sont pas que des tubes digestifs et l’attachement se fait par les contacts en général. De même, certaines théories, aujourd’hui invalidées, mais toujours présentes dans l’imaginaire collectif, invoquent le rôle de tiers séparateur du père face au duo mère-enfant. Ce grand thème de la psychanalyse peut encore avoir une emprise sur la décision. C’est l’auto-efficacité des parents dans l’ensemble des soins prodigués au bébé qui va faciliter l’établissement d’une relation de qualité.
8. Le besoin de contrôle
Nous vivons dans une culture individualiste qui prône l’autonomie et le contrôle. L’allaitement par les liens de dépendance qu’il implique va à l’encontre de l’image sociale que certaines femmes veulent renvoyer. Leur libre arbitre est modifié par les injonctions de la société à retrouver le plus rapidement possible leur couple, leur sexualité et leur vie relationnelle et professionnelle. De plus, ce besoin de maîtrise est également présent dans l’alimentation du bébé. Or, avec l’allaitement, on ne peut pas quantifier les tétées, ce qui nécessite un lâcher-prise qui peut être source d’anxiété.
9. L’héritage familial comme élément de décision
« Ma grand-mère n’avait pas assez de lait », « le lait de ma mère était de mauvaise qualité », « mes sœurs ont toutes sevré leurs bébés au bout de trois mois ». Ces phrases font partie de notre roman familial et influencent nos choix d’allaiter ou pas. Elles ont un impact psychologique conséquent, comme si tout était déjà écrit. Il est important de se poser sur les croyances autour de l’allaitement dans notre lignée féminine.
10. Le poids des lobbys de l’agroalimentaire
Qu’on le veuille ou non, les grosses entreprises qui produisent du lait infantile font partie de notre vie. Via la publicité ou les échantillons gratuits donnés à la maternité, ces dernières occupent une place inconsciente dans notre décision d’allaiter au moment de la naissance de notre enfant.
Pour prendre une décision en pleine conscience, il est donc important de se questionner :
- Pourquoi ai-je envie ou pas d’allaiter ?
- Quelles sont mes croyances ?
- Quelles sont les informations objectives dont je dispose ?
Si le choix reste cornélien, je vous conseille de faire appel à une consultante en lactation IBCLC ou un psychologue spécialisé afin de vous aider à y voir plus clair.
Bon allaitement… ou pas 😉