Allaiter un bébé prématuré est possible, mais ce n’est pas un long fleuve tranquille ! Nous allons donc passer en revue toutes les informations pour comprendre ce qu’est la prématurité et la façon dont se nourrissent ces bébés nés trop tôt. De plus, on verra comment la maman et son petit s’accordent pour s’attacher et mettre en place un allaitement au milieu d’un environnement très médicalisé et souvent anxiogène.
Cet article est basé sur mes échanges avec Céline Bourganeuf, consultante en lactation IBCLC, dans l’épisode 50 de Milkshaker.
Qu’est-ce que la prématurité ?
En France, le terme de la grossesse est de 41 semaines d’aménorrhée (absence de règles). Lorsqu’un bébé né entre 37 et 41 SA (semaines d’aménorrhée), on ne parle pas de prématurité, même si cette naissance avant terme peut avoir des conséquences sur les processus de succion, la coordination entre la succion – la déglutition – et la respiration – et donc sur l’allaitement.
Il y a 4 grands stades de prématurité :
- Extrême : entre 22 SA et 27 SA + 6 jours
- Grande : entre 28 SA et 31 SA + 6 jours
- Modérée : entre 32 SA et 33 SA + 6 jours
- Tardive : entre 34 SA et 36 SA
En ce qui concerne l’allaitement, à partir de 32 SA, le bébé possède plus de capacités pour se nourrir et aller au sein. Avant ce stade, on peut proposer une tétée d’accueil qui a surtout une fonction de contact.
La particularité des nourrissons prématurés est leur grande instabilité neuro-végétative. Cela signifie qu’ils sont très fragiles sur les plans cardio-respiratoires, digestifs et thermiques. L’immaturité est à la fois physique, physiologique, métabolique et neurologique. Ce sont ces facteurs, associés à la tonicité et la fatigabilité du nouveau-né, qui déterminent les possibilités d’allaitement.
Pourquoi le lait maternel est-il indispensable pour les bébés prématurés ?
La HAS (Haute Autorité de Santé) le recommande pour tous les bébés prématurés. En effet, le lait humain présente des bénéfices considérables pour le nourrisson, à court, moyen et long terme.
- Une réduction conséquente des risques d’infections.
- Une amélioration de la tolérance digestive.
- Des bienfaits sur le développement neurologique.
- Une diminution des complications tardives de la prématurité.
Les femmes peuvent faire le choix de ne pas allaiter ou tirer leur lait. Il est important de ne pas culpabiliser et d’accepter ses propres limites.
Si les bébés ne peuvent pas profiter du lait de leur maman, les lactariums en fournissent pour les nourrir. Ces derniers collectent des dons de lait d’autres mères allaitantes. Le précieux liquide est ensuite enrichi pour correspondre au plus près aux impératifs des bébés prématurés. Les besoins sont souvent supérieurs à la quantité disponible dans les lactariums. Ainsi, les nourrissons en extrême et grande prématurité sont prioritaires.
⏭️Pour en savoir plus, vous pouvez lire notre article consacré au don de lait ou écouter l’épisode de Milkshaker dédié.
Comment allaiter un bébé prématuré ?
Les bébés nés avant 32 SA sont nourris par sonde. Il s’agit d’une alimentation continue dans un premier temps pour reproduire la nutrition du cordon ombilical. Quand la maturité digestive le permet, elle devient discontinue avec des quantités progressives et une observation de la capacité à digérer. Ce mode d’alimentation n’empêche pas les mises au sein. L’allaitement de ces grands prématurés consiste principalement à favoriser les contacts en peau à peau, très importants pour le bébé, mais aussi sa maman.
Après 32 SA, il y a trois phases pour passer de la sonde à une alimentation classique.
- Nutrition parentérale qui emprunte les veines, qu’on tente d’ôter au plus vite.
- Nutrition entérale qui est une voie digestive.
- Nutrition orale, c’est-à-dire classique, par la bouche.
Les trois sont possibles en parallèle. Le bébé peut par exemple téter puis être complété par voie digestive.
L’objectif est de parvenir à une autonomie alimentaire. Pour cela, la fréquence des peau à peau et des mises au sein va développer les processus de succion et la lactation. Cependant, il peut y avoir des retours en arrière. Il faut trouver un juste équilibre entre les besoins du bébé, le désir des parents et les décisions médicales. L’implication et l’investissement des parents dans les soins en général, le peau à peau, favorise l’autonomie alimentaire.
À partir de 37 SA, le retour à la maison se fait comme pour un bébé à terme. Cependant, ces nourrissons nécessitent une certaine vigilance. En effet, ils ont un système succion/déglutition/respiration mature, mais ce sont des petits fatigables. Par conséquent, ils s’endorment parfois trop vite au sein, ce qui ne stimule pas assez la lactation et ne leur permet pas une prise de poids suffisante. La clé avec ces nouveau-nés est de comprendre que leurs besoins ne sont pas tout à fait les mêmes qu’un bébé à terme. Ainsi ils nécessitent des tétées plus fréquentes et il est important de surveiller leurs selles et leurs urines. On peut les aider au démarrage avec une expression manuelle, aussi appelée compression mammaire, pour que le lait arrive plus rapidement.
Comment favoriser la lactation de la maman ?
Lorsque les mises au sein ne sont pas ou peu possibles, la stimulation de la lactation se fait avec des expressions au tire-lait. L’idéal est de commencer de façon précoce et intense : 8 fois par jour. L’investissement de la mère est donc total et il est important qu’elle bénéficie de soutien pour que cela se passe au mieux. En effet, le contexte de l’hospitalisation et l’état psychologique peuvent rendre le déclenchement et la poursuite de la lactation complexe.
En néonatalogie, le dispositif de la fleur de lait est là pour encourager les mères dans leur lactation. Il s’agit d’une fleur à colorier afin que la femme mesure les progrès et l’évolution de sa lactation.
Les quantités de lait exprimées peuvent varier, notamment avec le moral de la maman. Cela est normal et il ne faut pas s’inquiéter, d’autant que leur bébé a souvent de très petits besoins.
De plus, même si la lactation ne s’est pas mise en place dès le début pour des raisons psychologiques ou médicales, il n’est jamais trop tard pour la stimuler.
Le rôle des professionnels est majeur pour accompagner la maman dans la découverte de sa lactation, du fonctionnement de ses seins et de l’expression du lait. Cela la rend actrice de l’allaitement de son bébé prématuré, ce qui l’aide à moins subir la situation.
Comment allaiter son bébé prématuré en néonatalogie ?
L’hospitalisation d’un nourrisson prématuré est un passage difficile. En effet, la fragilité de l’état de santé du bébé fait vivre des montagnes russes. Concernant l’allaitement, les professionnels donnent parfois des recommandations contradictoires qui déstabilisent les parents. Comme il n’y a pas toujours de consultante en lactation dans les services, plus la maman est informée, plus elle est autonome et sûre d’elle. Pour cela, je vous recommande le guide de l’allaitement du prématuré qui sera votre phare dans la tempête !
Voici quelques conseils pour vivre cette période :
- Favorisez au maximum le contact proximal avec votre bébé. Il y aura des fausses routes, mais les mises au sein ne comportent pas de risque, contrairement à ce qui était dit autrefois en néonatalogie.
- Faites-vous accompagner sur le plan psychologique pour faire face à l’anxiété et la culpabilité ; cela sera bénéfique pour l’attachement avec votre petit.
- Demandez et acceptez du soutien. En effet, en privilégiant votre bien-être et en allégeant votre charge mentale, vos proches vous aideront à sécréter de l’ocytocine indispensable pour votre allaitement.
- Investissez le service de néonatalogie. La durée d’hospitalisation peut être longue, il est ainsi important d’en faire un lieu familier et d’y apporter des éléments personnels afin de s’y sentir à l’aise. Cela contribue à votre moral et donc favorise le lien et l’allaitement de votre bébé prématuré.
J’espère que cet article vous aidera à traverser l’épreuve de la prématurité plus sereinement que vous soyez directement concerné ou pour accompagner vos proches. Être informé est fondamental pour faire des choix éclairés pour soi et son bébé et se faire confiance face au personnel médical. Je vous invite à écouter le témoignage d’Amélie Challeat qui a allaité sa fille en situation d’extrême prématurité.
Enfin, n’hésitez pas à partager vos meilleurs conseils si vous êtes passé par là, afin de contribuer au soutien de mère à mère qui m’est cher, vous le savez 😉