milkLetter 4 – Julie : “Lâcher prise”.

Julie aime maitriser ce qui se déroule autour d’elle. Alors quand on parle de son accouchement, de son bébé et de l’allaitement, Julie compte bien mettre toutes les chances de son coté pour que cela se passe comme elle le souhaite. Et ça marche, à quelques accros près… Elle accouche naturellement et elle allaite. Mais si l’allaitement et la reprise du travail venaient lui apporter plus que prévu ? Le lâcher prise pourrait-il devenir son meilleur allié ? Julie va vous expliquer comment elle vit cette aventure et ses différentes étapes, et comment elle est parvenue à vivre pleinement son allaitement, sans plus se poser de questions.

Je la laisse vous raconter…

J’aimerais vous parler de mon expérience de l’allaitement à la reprise du travail. Et plus particulièrement, de la possibilité de poursuivre son allaitement sans avoir à tirer son lait au travail !

Je m’appelle Julie. J’ai 32 ans. Je suis maman d’une petite fille de 1 an que j’allaite encore ! Mon conjoint et moi-même partageons équitablement toutes les tâches domestiques et celles liées à notre bébé et à notre chien ! Je me sens très chanceuse, même si ça devrait me paraître tout à fait normal 😉

J’aime anticiper et ne pas avoir de mauvaises surprises.

Certains diront que j’aime bien tout « contrôler », même si je suis assez « peace ». Mais voilà… Je suis hypersensible et ça me permet de mieux gérer des situations dans lesquelles je pourrais ne pas me sentir à l’aise et m’énerver vite…

Je suis architecte d’intérieur dans une petite agence parisienne. Je modélise les projets de A à Z, de la phase de concept au chantier. Je m’épanouis dans mon métier et dans cette agence très humaine. Ce qui a eu un impact important, je pense, dans la poursuite de mon allaitement…

Avec mon conjoint, nous avons tous deux été allaités pendant deux ou trois mois.

L’arrêt fût imposé soit par la reprise du travail ou par manque de temps (plusieurs enfants). Et puis… c’était la pratique la plus courante dans les années 80/90. On ne se posait pas trop la question finalement.

Dans mon entourage, toutes mes amies poursuivaient ce même schéma familial. Une seule a allaité son fils jusqu’au sevrage naturel (~3ans).

Je dois avouer avoir été un peu « choquée » à l’époque de la voir dégoupiller son téton à tout-va. Aujourd’hui, je peux dire que c’était uniquement par préjugés et manque de connaissances !

Une fois enceinte, je me suis documentée au maximum. Je voulais TOUT savoir !

De fil en aiguille, je me suis dirigée vers un accouchement naturel. La question de l’allaitement coulait donc de source !!!

Ma décision de ne pas faire la péridurale était tellement sujet à controverse, que j’ai gardé pour moi mon envie d’allaiter… J’allais donc essayer et je verrai bien ce qu’il en serait.

À la maternité, nous avons fait la tétée d’accueil dès la naissance. Je me suis sentie toute chose ^^ Donner le sein à ma fille m’a aidée à réaliser que j’avais accouché, même si, encore aujourd’hui, j’ai du mal à me dire que je suis maman…

Comme pour beaucoup de jeunes mamans, les conseils des sages-femmes concernant l’allaitement étaient tous divergents… Je prenais donc ce qui me convenait. Mais, plus les jours passaient, plus de légères douleurs apparaissaient.

J’ai eu le droit à « Elle tète très bien cette petite ! Vous savez, l’allaitement ne va pas sans douleurs !» ou la sage-femme qui enfonce la tête de ma fille dans mon sein (pourtant petits) pour qu’elle le prenne correctement.

Mais, et surtout, j’ai eu cette sage-femme, un peu magique, qui débarque dans ma chambre en pleine nuit. Et pas n’importe quelle nuit : la nuit de la Java. Celle où, a priori, ton bébé est censé pleurer car il veut sans cesse téter pour activer la montée de lait. Cette sage-femme a bien voulu que je garde ma fille avec moi dans le lit et m’a expliqué comment la mettre en sécurité.

Cette nuit ne fût qu’un doux rêve. Je pouvais sentir ma fille bouger pour réclamer le sein et j’étais opérationnelle avant même le moindre pleur !

Dès le premier jour à la maternité, je notais bien évidemment TOUT : Quelle heure ? Combien de temps ? Quel sein ? Quelle position ? Combien de couches par jour ? etc… De retour chez moi, les douleurs ont commencé à s’intensifier de jour en jour.

Ma sage-femme, appelée à la rescousse le lendemain de mon retour de la maternité, m’a parlé des pics de croissance (3/6/9 jours/semaines/mois) et que c’était normal que bébé ait besoin de téter et d’être porté plus souvent pour stimuler la lactation pour ses besoins futurs.

Elle m’a montré comment allaiter allongée pour mieux me reposer, et m’a fortement conseillé de consulter une spécialiste de la lactation si la douleur persistait.

Aujourd’hui, je sais que ça ne doit pas excéder 5 jours, auquel cas il faut consulter tout de suite, ce n’est pas normal d’avoir mal !

Les premiers jours, en début de tétée, je comptais jusqu’à 5, le temps que la douleur passe. Puis, jusqu’à 10. 20. 50 ! Et finalement, je n’en finissais plus de compter et je pleurais. Je tenais jusqu’à ce que ma fille soit rassasiée. Puis, je m’empressais de mettre des compresses de lait maternel ou de la crème lanoline et des coquillages d’allaitement… Tout ce qui pouvait me soulager.

J’avais des micros crevasses mais qui ne saignaient pas (ouf !) et des « cloques de lait » sur les tétons qui prenaient une forme en biseau.

Mon entourage me regardait impuissant, me disant que c’était normal au début ou me conseillant d’arrêter…

Au bout de 15 jours, je ne tenais plus ! J’ai passé un après-midi entier à pleurer désespérément, ma fille accrochée à mon sein, pleurant autant que moi…

Dans la nuit qui suivait, voyant dans le regard de mon conjoint sa désapprobation devant ma souffrance devenue insupportable, je décidais de chercher une solution !

J’ai réussi à avoir un rendez-vous avec une spécialiste dès le lendemain après-midi. Quel soulagement ce fût d’entendre que je devais effectivement souffrir car ma fille avait la mâchoire décalée, car ventousée à la naissance, et qu’elle avait un petit frein de langue.

Après un rendez-vous chez un ostéopathe, le lendemain, pour sa mâchoire, les tétées se passaient déjà mieux.

La semaine d’après, nous nous occupions de son frein chez un ORL.

Et là, les tétées furent presque magiques !

J’étais encore très tendue et avais du mal à regarder ma fille. Mais, tout est très vite rentré dans l’ordre.

Le visage de mon bébé s’arrondissait élégamment, ses joues se musclant maintenant correctement.

J’ai repris le travail au bout de 3 mois. J’avoue avoir été très impatiente de retravailler ! Ce n’est pas si facile de s’occuper d’un bébé toute la journée…

Pendant mon congé maternité, on a, bien sûr, essayé de l’habituer au biberon, mais rien à faire… De mon côté, je m’efforçais tant bien que mal de préparer un « stock » de lait, en le tirant 3 fois par jour en plus de toutes les tétées. Et, finalement, je ne tirais pas grand-chose…

A la reprise, je continuais à noter TOUT. Et mon assistante maternelle devait même me donner l’heure et la quantité des biberons de lait maternel donnée. Les quantités étaient minimes au début, puis ça allait de mieux en mieux. Mais trop souvent, mon lait était jeté, ça me déchirait le cœur vu l’énergie que j’y mettais ! (Je sais aujourd’hui que j’aurais pu le garder pour le bain ou en faire des savons ou autres desserts).

Mon organisation était celle-ci les 2 premiers mois de reprise :

  • Une tétée le matin au réveil de ma fille ;
  • Une tétée avant de partir chez l’assistante maternelle ;
  • Un tirage (dans les vestiaires) vers 10h30 ;
  • Un tirage (dans les vestiaires) vers 13h30 ;
  • Un tirage (dans les vestiaires) vers 16h30 ;
  • Une tétée en arrivant chez l’assistante maternelle ;
  • Une tétée le soir au coucher ;
  • Une tété la nuit ;
  • (Le week-end à volonté et parfois un tirage pour le « stock »).

C’était militaire !!! Je n’arrivais pas du tout à me concentrer au travail… Pour produire plus, je passais mon temps à regarder des photos et vidéos de ma fille. J’ai fini par les connaître par cœur, au point que ça ne fasse plus l’effet escompté… Mes tirages diminuaient et mon stock aussi, à l’inverse des besoins croissants de mon bébé.

J’ai pris d’urgence rendez-vous chez ma sage-femme qui a vite senti que quelque chose clochait. IL FALLAIT QUE JE LÂCHE PRISE !!! Que je me fasse confiance, ainsi qu’à mon bébé. Qu’on se comprendrait et que mon corps saurait me dire quel sein donner. Et c’est le meilleur conseil que j’ai pu recevoir !

Le soir même, je m’exécutais ! Comment avais-je pu tenir aussi longtemps ce rythme effréné ? J’ai alors découvert le bonheur de l’allaitement, le vrai, aux 5 mois de ma fille.

La journée en semaine, quand mon « stock » de lait fut tari, nous avons intégré le lait maternisé. Comme avec mon lait, ma fille prenait de petites quantités au début et se rattrapait le soir en tétant. Mais, tout était plus léger puisque je savais qu’elle complèterait avec mon sein et que j’aurai encore du lait si elle tétait encore au moins 2 fois par jour.

Deux semaines après, nous étions en confinement. J’ai alors rendu mon tire-lait et donné le sein à volonté pendant 2 mois, tout en diversifiant ma fille (depuis ses 4 mois et demi).

La reprise fût plus compliquée pour moi cette fois-ci. Mais, seulement parce que j’aurais voulu rester avec mon bébé. Ma fille a continué à boire du lait maternisé chez notre assistante maternelle. Et moi, j’ai décidé de ne plus tirer mon lait. Nous avons continué à faire les tétées au réveil et avant de partir travailler, puis au retour du travail et au coucher, et de temps-en-temps une fois la nuit.

La première semaine, j’avais les seins assez gonflés et n’hésitais pas à mettre des coussinets au cas-où, de même pour les deux lundis suivants, après des week-ends de tétées à volonté. Puis, mon corps a vite compris le rythme et mes seins n’ont plus du tout été tendus.

Aujourd’hui, j’allaite toujours ma fille qui va fêter sa première année. Nous partageons encore ces moments privilégiés (bien que plus acrobatiques). Son papa a su aussi trouver les siens : lectures, découvertes culinaires, bagarres de bisous et j’en passe. Depuis juillet (à ses 9 mois), en semaine, elle ne veut plus de biberons et préfère manger des yaourts, comme une grande. J’admire cette petite fille qui est très indépendante, qui sait ce qu’elle veut et qui a confiance en elle comme je ne l’aurais jamais imaginé !!!

L’interview Fast-Milk !!

  • Ma tétée insolite ? 

Une fois, en me promenant à La Rochelle avec ma mère, ma fille de 2 mois voulait absolument téter. Je l’ai donc détachée de la poussette et prise dans mes bras. Il y avait tellement de vent que je l’ai bien couverte dans mon manteau et mon écharpe, tout en me pressant d’arriver à la voiture. Le regard des passants était plein d’interrogation. Ils se demandaient tous ce que je pouvais bien transporter à bout de bras.

  • Le truc le plus glamour qu’il t’ait été donné de vivre durant l’allaitement ?

Ces tétées où tu essaies d’être discrète malgré tout et où ton deuxième sein fuit élégamment sur ton t-shirt…

  • Ta position préférée dans le Kâma-Sûtra de l’allaitement ?

Dans les premiers mois, j’ai préféré l’allaiter allongée sur le côté. Depuis qu’elle sait se mettre debout, ça n’a plus un grand intérêt pour elle. Donc depuis, ma position préférée serait plutôt quand elle tète à califourchon mais les fesses en l’air en tentant un début de twerk…

  • Si en un mot tu pouvais me résumer ton allaitement ?

Lâcher-prise !

Merci à toutes les femmes qui permettent aujourd’hui de démocratiser l’allaitement et de lui redonner cette image aussi naturelle qu’il l’est.

PS : Je dois néanmoins encore répondre régulièrement à la question : « Et tu comptes l’allaiter jusqu’à quand ? »… Après avoir trop souvent expliqué que nous sommes des mammifères, qu’il y a un sevrage naturel chez nous aussi, etc… Ma sempiternelle réponse est maintenant avec un grand sourire : « Quand elle ou moi en aura marre. Peut-être à ses 18 ans ! » 

PS + : ASTUCES DE TIRAGE AU TRAVAIL // Avoir une petite pancarte pour prévenir si la pièce de tirage ne ferme pas à clé // Toujours avoir de l’eau et de quoi grignoter sain (exemple : carré de céréales JollyMama, un fruit ou un carré de chocolat noir) //Placer les téterelles et biberons de recueil dans une pochette hermétique au frigo après vos tirages, ça permet de gagner du temps et de ne les laver que le soir.