Réflexes archaïques et allaitement : comprendre les mécanismes en jeu

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Les réflexes archaïques sont testés chez les bébés, allaités ou non, dès la naissance. Marche automatique, réflexe de Moro, réflexe de succion, Babinski sont parmi les plus connus. Si vous ne connaissez pas ces noms, vous avez sans doute déjà observé votre nourrisson qui sursaute, qui porte son poing à la bouche ou qui agrippe vos doigts dans sa main. Mais savez-vous à quoi servent ces réactions typiques des nouveau-nés ? Dans cet article, je vais vous parler des réflexes archaïques, de l’importance de leur intégration et de leur influence sur l’allaitement maternel. Enfin, je vous ferai peut-être découvrir l’intégration motrice primordiale, une pratique fondée sur les réflexes archaïques.

Ce texte est basé sur mes échanges avec Ludivine Baudry, accompagnante en intégration motrice primordiale et en allaitement, dans l’épisode 27 de Milkshaker.

Qu’est-ce qu’un réflexe archaïque ?

Il s’agit d’une réponse motrice involontaire à une stimulation sensorielle, d’origine tactile, vestibulaire ou positionnelle. Ce sont des réactions génétiquement encodées dans le système nerveux du bébé. Le mouvement est stéréotypé : l’impulsion et la réponse sont toujours identiques. Il n’y a aucune intentionnalité. On peut citer, en exemple, le réflexe archaïque de succion indispensable pour l’allaitement.

Quand apparaissent-ils ?

Il existe une chronologie dans la survenue des réflexes. La plupart émergent dans la vie fœtale, voire embryonnaire (pour le réflexe de retrait par exemple). Le moment le plus important est le début du deuxième trimestre de la grossesse. Pendant cette période, de nombreux réflexes archaïques se mettent en place : 

  • Réflexe d’agrippement
  • Réflexe de déglutition
  • Réflexes de flexion et d’extension qui permet au bébé de faire des pirouettes dans l’utérus
  • Réflexe tonique labyrinthique en flexion qui permet au bébé de garder sa position fœtale et ainsi une gestation à terme
  • Réflexes spinaux
  • Réflexes de mouvements alternatifs de jambes

Cette chronologie crée de la croissance nerveuse, en connectant les chaînes musculaires et en les entraînant.

À quoi servent-ils ?

Avant la naissance

Le bébé utilise ces réflexes de manière synergique au moment de l’accouchement. Il va par exemple poser sa tête au juste endroit pour provoquer des contractions utérines efficaces. Il a aussi un réflexe de retournement segmentaire quand il s’engage dans le bassin et des mouvements alternatifs de jambe pour prendre appui au fond de l’utérus. Ces réflexes sont des facilitateurs de la naissance afin que le fœtus trouve le bon axe et la bonne direction, et puisse se propulser. Les comportements innés des mères vont également provoquer ces réponses motrices. Les accouchements physiologiques favorisent ainsi cette synergie entre le corps de la mère et du bébé. 

Après la naissance

Ces réponses motrices permettent au nourrisson de trouver une organisation corporelle compatible à la gravité qui est nouvelle pour lui. Les réflexes archaïques sont également indispensables pour l’allaitement, pour se déplacer et communiquer ses besoins. Enfin, ils favorisent l’attachement.

Intégration des réflexes 

Selon les réflexes et leur rôle, ils disparaissent entre 1 mois de vie et l’âge de la marche. On parle alors d’inhibition du réflexe ou d’intégration du réflexe dans le système de motricité global de l’enfant. En effet, les zones corticales ont pris les commandes, le réflexe va par conséquent se ranger dans les zones sous-corticales. Pour que cette évolution neurologique se fasse, l’utilisation des réflexes est indispensable. Cependant, ils ne disparaissent pas, car ils ont une fonction protectrice en cas de danger : ils ressurgissent quand l’intégrité physique est menacée. Ainsi, un réflexe bien intégré c’est un réflexe qui s’efface pour laisser la motricité volontaire se développer, mais qui est présent en défense si besoin.

Réflexe archaïque et allaitement

Utilité des réflexes archaïques pendant l’allaitement

L’allaitement maternel met en action toute la motricité réflexe. On pense en premier lieu aux réflexes orofaciaux : succion, déglutition, fouissement et respiration. Mais d’autres réflexes dans le reste du corps doivent les supporter.. Le nourrisson nécessite une organisation corporelle solide et sécuritaire pour pouvoir téter. Il a par exemple besoin d’utiliser les réflexes des pieds : Babinski et son opposé, l’agrippement plantaire. L’observation et la connaissance des réflexes archaïques du bébé allaité vont permettre de comprendre comment accompagner et favoriser au mieux l’allaitement. Ainsi, certaines postures comme la madone ou le ballon de rugby peuvent être compliqués pour des bébés qui vont avoir besoin de mobiliser les réflexes des jambes pour soutenir leur succion. Par ailleurs, un appui sur le dos peut stimuler le réflexe tonique labyrinthique et le réflexe de Moro qui ne sont pas propices à l’allaitement, car ils auront tendance à éloigner le nouveau-né du sein. Dans ces situations, il n’y a pas de dysfonctionnement au niveau neurologique, mais il faudra accompagner la conduite de l’allaitement notamment au niveau des positions. Chaque bébé étant différent, elles seront à adapter au cas par cas. Enfin, les comportements innés des mères sont importants à valoriser, dans la mesure où ils répondent généralement aux besoins de leur petit.

Signes d’un dysfonctionnement

Certains éléments peuvent vous alerter sur une perturbation des réflexes et de leur intégration ; vous pouvez ainsi observer :

  • Une attitude corporelle en extension de votre petit qui ne s’enroule pas dans l’écharpe ou donne l’impression de se jeter en arrière
  • Une asymétrie droite/gauche
  • Une hypersensibilité au niveau du visage
  • Une hypersensibilité vestibulaire : il n’apprécie pas d’être porté ou bercé.
  • Une difficulté à « lâcher-prise » : votre bébé ne se détend pas, à du mal à se laisser aller dans le sommeil
  • Un petit retard de développement psychomoteur
  • Des tensions ne cèdent pas au traitement manuel, car le câblage neuromoteur amène le bébé à reprendre toujours les mauvaises postures.

Causes de perturbations dans le mécanisme

Il y a des périodes sensibles pendant lesquelles des événements peuvent survenir : 

  • La vie utérine est normalement riche en stimulations pour le fœtus. Un manque de sollicitations lié à un utérus contractile, l’alitement de la maman ou des carences alimentaires peuvent être à l’origine de difficultés dans l’élaboration des réflexes.
  • Le dernier mois de la grossesse est un moment où se mettent en place certains réflexes importants : ainsi une prématurité même très légère peut impacter le nourrisson.
  • Lors de l’accouchement se passe une initialisation très forte de la motricité réflexe. Par conséquent, une césarienne ou une surmédicalisation (déclenchement, utilisation d’instruments) peuvent poser problème.
  • La première année de vie est également déterminante. Une sphère affective sécurisante, des besoins comblés, des interactions, du portage, des massages, de la motricité libre, rester pieds nus sont autant d’éléments vecteurs d’une bonne intégration neurologique des réflexes. Au contraire, un environnement défaillant, un manque de stimulations, des réponses inappropriées poseront problème. 

Il faut tout de même noter que les bébés ont de grandes capacités d’adaptation et de résilience. Enfin, l’allaitement maternel est un facteur très favorisant.

L’intégration motrice primordiale : une spécialité qui s’intéresse aux réflexes archaïques 

Spécificité de l’intégration motrice primordiale

Le pédiatre teste les réflexes archaïques dès la naissance et pendant la première année de vie du bébé. Leur présence est importante pour attester d’un bon développement, car ils sont les jalons de la maturation neurologique du nourrisson. Ce qui va inquiéter le médecin c’est leur absence ou au contraire la manifestation exacerbée de certaines réponses motrices.

L’intégration motrice primordiale (IMP) est une approche qui s’appuie sur ces réflexes archaïques pour accompagner les bébés, mais aussi les enfants et les adultes.

Dans l’intégration motrice primordiale, on ne fait pas de diagnostic neurologique de la présence ou de la disparition normale des réflexes à un certain âge. Les accompagnants en IMP observent le signe du réflexe, autrement dit : le réflexe a-t-il bien joué son rôle et est-il inhibé pour gravir les étapes de son développement moteur ? Cela permet de s’intéresser à la boucle et à la maturation neuro-sensori-motrice.

Tout l’entourage du bébé participe à la bonne intégration des réflexes archaïques. Le professionnel spécialisé a une grille de lecture et va scanner le « profil réflexe ». Il fait un état des lieux combinant des tests, l’observation et le récit des parents. Ensuite, si les dysfonctionnements relèvent bien d’un trouble au niveau des réflexes archaïques, il propose un programme moteur et sensoriel personnalisé par rapport au maillon réflexe qui semble moins bien intégré et à l’origine de difficultés.

Focus sur freins de bouche restrictifs et les réflexes archaïques pendant l’allaitement

Les freins restrictifs peuvent être la cause d’une mauvaise intégration des réflexes, car ils entraînent une difficulté de mouvements. Ainsi l’intervention de l’accompagnant en IMP peut venir compléter les actions des autres professionnels.

Le but est de déterminer un programme d’activité à pratiquer à la maison par les parents, en essayant de les intégrer au quotidien. L’utilisation du corps et des réflexes des parents est importante.

Grande complémentarité avec les thérapeutes manuels 

Une tension musculo-squelettique peut entraîner la persistance d’un réflexe à l’âge adulte et inversement. Il y a donc un intérêt certain d’agir sur les deux versants et de combiner l’intervention d’un accompagnant IMP avec celle d’un thérapeute manuel, comme un ostéopathe ou un chiropracteur.

J’espère que cet article vous a permis de découvrir ou développer vos connaissances sur cette approche corporelle peu répandue. Si vous souhaitez trouver un professionnel pour évaluer les réflexes archaïques de votre bébé qu’il soit allaité ou non, vous pouvez consulter l’annuaire des accompagnants IMP. Et si vous avez déjà une expérience de cette pratique, n’hésitez pas à la partager en commentaires !