La DME (diversification menée par l’enfant) pose de nombreuses questions. Cette pratique alimentaire vise à laisser le bébé explorer en autonomie la nourriture en lui présentant des morceaux. Ses vertus sur la motricité, l’éveil et le respect des rythmes sont souvent mises en avant. Je vous propose de revenir sur les principales idées reçues sur la DME.
Cet article est basé sur mes échanges avec Marie Ruffier Bourdet, ergothérapeute spécialisée en périnatalité dans l’épisode 68 de Milkshaker.
Question 1 : la DME est-elle la meilleure méthode de diversification ?
La meilleure pratique de diversification est celle qui convient au bébé et à ses proches.
Les principes de la DME sont plutôt bons théoriquement, mais la démarche génère des injonctions qui peuvent être néfastes. En réalité chaque enfant est différent, les parents n’ont pas tous des besoins et possibilités identiques.
Suivre une technique rigide comporte un risque, car cela peut créer de l’anxiété autour du sujet de l’alimentation, responsable par ricochet de troubles de l’oralité.
La DME prône l’exploration. Or la découverte nécessite de la souplesse. C’est l’application stricto sensu de règles qui peut être limitative dans le développement de l’enfant.
Par exemple, certains parents, parce qu’ils optent pour la DME, ne proposent aucune nourriture mixée. Or cette dernière fait partie des repas même de ceux des adultes.
Question 2 : la DME respecte-t-elle plus les rythmes de l’enfant ?
Observer les signes de faim et de satiété, quelle que soit la méthode est primordial. Cela s’applique aussi avant la diversification, que le nourrisson boive au biberon ou au sein. Les parents qui donnent des purées considèrent autant l’appétit. Le bébé même nourri à la cuillère peut manifester son refus de diverses manières : cracher, fermer la bouche, repousser, etc. De plus avec la DME, le petit peut s’arrêter de manger par fatigue et non parce qu’il n’en veut plus. Dans ce cas, lui apporter de l’aide pour finir son repas est nécessaire.
Question 3 : la DME et les purées sont-elles compatibles ?
L’objectif est que le bébé puisse à terme gérer de la purée ET des morceaux (pour manger une saucisse purée par exemple !).
Plusieurs options sont possibles, pour lui permettre de passer aux morceaux vers 9 mois maximum. Peu importe s’ils sont introduits en parallèle, avant ou après les purées.
Lorsqu’il est nourri aux purées à la cuillère, il peut s’habituer avec des hochets, des goûts, des textures. Cela élimine le nauséeux sensitif et pour transitionner vers les morceaux par la suite.
La gradation des textures est intéressante pour un bébé qui va bien et est recommandé entre 6 et 9 mois. Certains enfants, avec une certaine sensibilité ou des soucis alimentaires, peuvent avoir du mal avec les textures intermédiaires et passer de purée lisse à morceaux sans étapes.
Question 4 : la DME est-elle plus simple pour le quotidien ?
Un des arguments en faveur de la DME est qu’elle permet au bébé de manger comme les autres et donc de faciliter la gestion des repas. En pratique c’est légèrement différent.
En effet, laisser le petit en autonomie avec sa nourriture avec tout le ménage que cela nécessite peut être difficile à vivre et devenir un véritable frein.
De plus, le bébé ne mange pas vraiment comme ses parents. Les menus des adultes sont souvent trop salés et les textures pas forcément appropriées. La DME nécessite des préparations particulières (cuisson et formes) ajustées aux capacités de préhension et de mastication de l’enfant. Elle reste donc une charge mentale importante. Une option possible est de prendre les choses dans l’autre sens : cuisiner pour le bébé et adapter ensuite aux grands (en assaisonnant par exemple).
Question 5 : la DME favorise-t-elle plus le développement de l’enfant ?
La DME développe les capacités de préhension et la motricité de la bouche des bébés. Cependant, elle n’est pas appropriée à tous les enfants et ne pas passer par la DME n’est pas une entrave à leur évolution. Si les morceaux sont proposés au petit en complément de la purée dès qu’il tient assis, il progressera tout à fait normalement.
Pour certains enfants, ayant un retard de développement, la DME peut être utile comme technique de stimulation. Par exemple, avec les enfants porteurs de trisomie 21, travailler l’introduction des morceaux peut accompagner l’exercice de rétractation de la langue.
En résumé, la DME n’est pas nécessairement la meilleure méthode. Les modes de diversifications peuvent être mélangés et alternés (entre la semaine et le week-end). On peut même en changer en route si elle ne convient pas au bébé ou à ses parents. Le principal est d’éviter les injonctions, les dogmes et de faire comme on veut et surtout comme on peut !
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