Troubles sensoriels du bébé : pourquoi consulter un ergothérapeute ?

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Mon bébé est-il hypersensible ou hyposensible ? Parmi les obstacles dans la mise en place de l’allaitement, les dysfonctionnements sensoriels sont peu connus. En effet, ils prennent différentes formes et peuvent se confondre avec d’autres problèmes. De plus, il y a peu de professionnels formés à ces troubles. En cas de doute, consulter un ergothérapeute vous aide à y voir plus clair sur les difficultés de votre petit et l’accompagner au mieux.

Cet article est basé sur mes échanges avec Marie Ruffier Bourdet, ergothérapeute spécialisée en périnatalité, dans l’épisode 25 de Milkshaker.

Qu’est-ce qu’un bébé hypersensible ou hyposensible ?

Nous avons tous 7 sens qui gouvernent notre intégration sensorielle. Les cinq premiers (la vue, l’odorat, l’audition, l’olfaction, le goût) sont bien connus. Mais il en existe deux autres, la proprioception (informations de nos tendons, articulations et muscles) et le sens vestibulaire (équilibre) qui sont plus confidentiels.

On parle de trouble sensoriel pour un bébé qui a des difficultés dans la modulation et/ou l’intégration d’un ou plusieurs de ces sens. Il peut alors être hyperréactif ou au contraire hyporéactif et de pas réussir à s’accommoder des stimulations qui lui parviennent. 

Signes d’un trouble sensoriel

Ces processus se mettent en place au cours du développement et le nourrisson augmente progressivement ses seuils. Alors, comment repérer que mon enfant présente des complications dans ce déroulement ?

Dans le cas d’une hypersensibilité, on peut observer :

  • Un petit qui a besoin d’être beaucoup porté ou bercé pour réguler les sollicitations sensorielles ou au contraire qui ne supporte pas ce type de stimulations.
  • Un bébé qui déteste le moment du change.
  • Il est très souvent au sein pour des succions non nutritives, mais modératrices.
  • Une faible prise de poids.
  • Une mauvaise succion, car le fond de sa cavité buccale est hypersensible donc il préfère garder le mamelon en début de bouche (sans cause anatomique).
  • Un comportement de défense : il pleure souvent, montre de l’inconfort, est inconsolable, car tous les stimulis sensoriels l’agressent.

Pour résumer, le nourrisson aura tendance à surréagir à chaque sollicitation. Ce sont des petits qui alertent facilement, car ils sont très demandeurs.

Le bébé hyposensible, quant à lui, ne perçoit pas ou peu. Il ne peut donc pas répondre aux stimulations et n’a pas de réaction motrice adéquate. On peut comparer cela aux difficultés ressenties lorsqu’on a un engourdissement dans une partie du corps. On observe ainsi :

  • Un bébé qui ne place pas sa langue correctement. Il pince parfois le mamelon , à la recherche de sensation car il ne perçoit pas bien. 
  • Il attrape peu, ne suit pas beaucoup du regard.
  • Il nécessite d’être particulièrement stimulé pour avoir des réactions.

Contrairement aux hypersensibles, comme ils sont peu demandeurs, on les diagnostique mal. On les qualifie de « bébé sage ». Seuls certains, qui cherchent à atteindre leur seuil de sensibilité, vont apprécier des sensations telles que le portage ou le massage.

C’est une addition de signes, de plaintes occupationnelles et surtout l’évaluation par un professionnel spécialisé qui permet de parler de trouble sensoriel chez le bébé.

Pourquoi mon bébé est-il hypersensible ou hyposensible ?

Il n’y a pas de causes scientifiquement établies, mais des pistes émergent de l’expérience clinique :

  • Il existe peut être une origine héréditaire, puisqu’on retrouve parfois une récurrence de ces troubles dans une même famille. 
  • La prématurité peut constituer un fondement, car les nourrissons sont plus immatures sur le plan neurologique, alors que certains processus se mettent en place sur la fin de la grossesse. L’hospitalisation en néonatologie est également un facteur de risques en raison de toutes les agressions sensorielles que le bébé peut vivre (malgré toute la bienveillance des soignants).
  • Des blocages et tensions musculaires.
  • Des troubles neurodéveloppementaux comme la dyspraxie ou les troubles du spectre autistique (TSA).
  • Un frein restrictif buccal car le bébé aura peu d’expérience sensorielle en raison de la difficulté de mobilité de la langue dans la bouche.

Difficulté sensorielle et allaitement

Lorsque l’on connaît l’importance et le rôle de la succion du bébé pour que l’allaitement se passe bien, il est évident que des troubles sensoriels peuvent impacter son bon déroulement. 

En effet, le nourrisson a besoin de ressentir de façon « normale » les zones de sa bouche pour mettre en place des réponses motrices adaptées.

Ainsi, s’il ne perçoit pas où est le mamelon dans sa bouche, il ne pourra pas téter correctement. Au contraire, si les stimulations sont trop fortes, il peut se retirer du sein pour se calmer.

Ces difficultés peuvent donc provoquer :

  • une mauvaise lactation par manque de sollicitation adéquate,
  • une faible prise de poids chez le bébé,
  • un inconfort, un malaise pendant l’allaitement.

La coordination entre la succion, la déglutition et la respiration se met en place très tardivement. Parfois, même un nourrisson né à 38 semaines développe une perturbation de l’alimentation. Le trouble sensoriel peut alors être une conséquence comme une réaction de défense.

Que peut apporter un ergothérapeute ?

L’ergothérapie est une profession de santé en lien avec l’occupation humaine. Ces professionnels font une évaluation organique, sensorielle et cognitive pour comprendre le dysfonctionnement. Ils travaillent à tous les âges de la vie et certains sont spécialisés en périnatalité.

Dans le cas d’une hypersensibilité ou hyposensibilité, l’enfant présente des difficultés dans une ou plusieurs de ces fonctions et des plaintes occupationnelles émanent des parents ou des professionnels en charge de la garde du petit.

L’objectif des séances d’ergothérapie est d’atteindre une performance occupationnelle. En périnatalité, on parle de co-occupation, car l’intervention se fera conjointement auprès du bébé et de ses parents.

L’ergothérapeute spécialisé dans les troubles de l’intégration sensorielle :

  • Interroge les problèmes à travers un questionnaire occupationnel.
  • Réalise une évaluation sensori-motrice et organique du bébé.
  • Mène des séances de rééducation qui consistent à utiliser et stimuler plusieurs formes sensorielles, puis tester où en est le petit à la fin de la séance. Il est important que l’ergothérapeute connaisse des méthodes d’habituations progressives pour ne pas accentuer les difficultés. En effet, la quantité, l’intensité et les modalités (vision, audition, olfaction, goût, toucher, vestibulaire, proprioception) doivent être précisément adaptées.
  • Guide les parents en leur donnant des conseils sur les sollicitations à apporter au quotidien à leur enfant.

Son but est de compenser les difficultés sensorielles en faisant bouger les seuils : familiariser un bébé hypersensible à ne plus surréagir. Au contraire, aider un petit hyposensible à mieux percevoir les stimulis.

En cas de problèmes, consulter précocement est important, car le chemin de développement normal peut reprendre rapidement grâce à la plasticité cérébrale des bébés.

Les ergothérapeutes orientent vers d’autres professionnels si les difficultés ne relèvent pas de leur compétence ou nécessitent des interventions conjointes.

Vous en savez désormais plus sur les enfants hypersensibles et hyposensibles. Si vous êtes concernés, le meilleur conseil est de consulter un professionnel pour établir un diagnostic et vous guider dans la prise en charge. Vous pouvez également parler autour de vous des ergothérapeutes et de leur intervention auprès des bébés. Vous connaissez mon crédo : l’information ! Alors, faites circuler 😉