Les freins restrictifs buccaux sont des particularités anatomiques présentes dans la bouche. Ils sont de plus en plus connus et détectés surtout dans le cadre de l’allaitement maternel, puisqu’ils peuvent induire des douleurs et des difficultés de lactation chez la maman. Pour autant, ils peuvent exister quel que soit le mode d’alimentation du bébé et ne sont pas spécifiques à l’allaitement au sein. Afin de vous aider à y voir plus clair, découvrez ces fameux freins restrictifs buccaux, comment les repérer et les solutions pour les prendre en charge.
Cet article est basé sur mes échanges avec Emilie Chevalier, consultante en lactation IBCLC, dans l’épisode 18 de Milkshaker
Qu’est-ce que les freins restrictifs buccaux ?
Un frein est un fascia, c’est-à-dire une fine membrane, riche en collagène, qui ne peut ni s’assouplir ni s’étirer. Les freins sont des éléments anatomiques normaux, c’est lorsqu’ils sont limitatifs qu’ils peuvent poser problème. Dans le cas des freins restrictifs buccaux, ils peuvent gêner la mobilité de la langue, des lèvres voire même des joues.
On retrouve plusieurs causes :
- Origine héréditaire : il est alors intéressant s’ils apparaissent chez un premier enfant, de surveiller précocement les autres bébés de la fratrie.
- Cause environnementale : l’alimentation ou des perturbateurs endocriniens.
- Résultat de l’évolution : le fait que les générations précédentes aient moins stimulé les mécanismes de la succion, car nourries au biberon, pourrait aussi être un facteur explicatif.
Ces freins restrictifs se forment au premier trimestre de la grossesse, entraînant des manifestations dès la naissance comme des tensions musculaires ou une mauvaise mobilité de la langue et des lèvres.
Allaitement et freins restrictifs buccaux : quels sont les signes ?
Des symptômes peuvent apparaître au cours des tétées au sein, ils peuvent être isolés ou associés. Ils sont des indicateurs, mais ne peuvent pas constituer un diagnostic. En effet , la présence de freins restrictifs buccaux est un facteur de trouble de la succion chez le nourrisson, mais tous les troubles de la succion ne sont pas liés à la présence de freins restrictifs buccaux .
- Douleurs voire crevasses chez la maman
- Bébé qui ouvre très peu la bouche et ne prend pas tout le mamelon : la maman décrit une sensation de pincement, un inconfort
- Mamelon déformé, aplati, en forme de bâton de rouge à lèvres (en biseau)
- Mastites à répétition, en raison du mauvais drainage des seins.
- Candidoses mammaires à répétition (mycose) : la langue en se frottant au palais a une fonction autonettoyante. Les freins gênent cette mobilité, ce qui provoque une stagnation de lait, propice à la prolifération de champignons.
- Bébé qui s’endort rapidement au sein. L’effort nécessaire pour la succion est trop important donc il se met en économie d’énergie en somnolant. Cela ralentit la prise de poids et la lactation, car les tétées sont trop espacées.
- Bébé qui a une faible prise de poids, dès le démarrage de l’allaitement, mais parfois même au bout de 3 à 4 mois quand la lactation n’est plus dépendante des hormones maternelles.
- Bébé qui s’étouffe au sein
- Bébé qui a du mal à s’accrocher : il fait le pivert
- Bébé qui ne semble jamais satisfait. Cette nécessité de téter en permanence peut être liée à un manque de lait, car la succion n’est pas efficace. Cela peut aussi s’expliquer par le fait qu’il ne parvient pas à plaquer sa langue contre son palais. Or, ce geste a une fonction autoapaisante primordiale qu’il cherche au sein.
Ces manifestations qui surviennent pendant l’allaitement ne signifient pas qu’il soit en cause ou qu’il doit être interrompu. L’accompagnement d’une consultante en lactation ou d’un professionnel certifié DIUHLAM peut vous aider à trouver des solutions.
Ce qui alerte chez le bébé
Les freins restrictifs ne sont pas spécifiques à l’allaitement, ainsi des signes peuvent être repérés en dehors de cette situation.
- Ampoules sur les lèvres qui signifient que le bébé force pour compenser ses difficultés de succion
- Bébé qui pleure beaucoup, est inconfortable, dort mal
- Inconfort digestif (gaz, rots, reflux, coliques) lié à la quantité importante d’air avalée en tétant
- Ictère dès la maternité
- Claquement de langue pendant l’allaitement ou le biberon qui sont souvent confondus avec des bruits de déglutition
- Langue en forme de cœur
- Torticolis qui ne cède pas au traitement manuel
- Posture en C ou en virgule qui résiste aux séances d’ostéopathie ou de chiropractie. Ces positions peuvent entraîner des plagiocéphalies et/ ou une asymétrie du visage, car les appuis ne varient pas.
- Rétrognathie prononcée : menton rentré vers l’intérieur.
- Hypersalivation, car la déglutition est compliquée
- Réflexe nauséeux important, car la langue ne stimule pas assez certaines zones de la bouche qui deviennent hypersensibles
- Bébé qui dort la bouche ouverte
Si vous repérez un ou plusieurs de ces signes chez votre enfant, ou que sans pouvoir les identifier, vous ressentez que quelque chose « ne tourne pas rond », que ce n’est pas fluide, qu’il présente un inconfort, faites vous confiance et parlez-en à un professionnel.
Impacts à court, moyen et long terme
On évoque souvent les freins restrictifs buccaux au sujet de l’allaitement ou de l’alimentation du tout petit. C’est effectivement un enjeu important à ce stade de l’existence du bébé. Cependant, ces particularités anatomiques peuvent avoir un impact beaucoup plus global et tout au long de la vie. Voici un aperçu des conséquences possibles :
- Au niveau de l’alimentation : il peut apparaître des complications au moment de la diversification. En effet, le réflexe nauséeux peut rendre les morceaux, certaines textures ou températures impossibles à manger. Il s’agit d’un trouble de sensorialité qui peut persister à l’âge adulte. De plus, la langue qui ne se mobilise pas correctement peut rendre difficile l’introduction d’une partie des aliments.
- On peut retrouver une dépendance au pouce ou à la tétine pour s’autoapaiser (par manque d’appui de la langue sur le palais)
- Des difficultés d’orthodontie peuvent se révéler. En effet, le palais non stimulé reste étroit et creux. Cela empêche le développement de la mâchoire et ne laisse pas assez de place pour les dents.
- En ce qui concerne le langage, l’enfant peut rencontrer des problèmes d’articulation, car la langue ne se plaque pas contre le palais, ce qui gêne la constitution de certains sons.
- Des douleurs dorsales, des tensions cervicales et des migraines sont susceptibles d’apparaître par compensation du corps en réponse à ces tensions buccales.
- Une apnée du sommeil peut en résulter dès l’enfance comme à l’âge adulte, car la respiration qui se fait par la bouche ne permet pas la bonne formation et utilisation des cavités nasales.
- On peut retrouver des troubles ORL comme des otites à répétition, angines…
- Des allergies peuvent survenir
Que faire en cas de freins restrictifs buccaux ?
Les conséquences peuvent donc être larges et durables et il est nécessaire d’agir si vous avez un doute concernant un frein restrictif buccal.
Trouver un professionnel formé
En premier lieu, il est important de recourir à un professionnel compétent qui saura détecter la présence de freins restrictifs et vous accompagner. Vous pouvez vous adresser à une consultante en lactation IBCLC, un ostéopathe, un orthophoniste, une sage-femme… S’il est formé aux freins, ce dernier vous posera de multiples questions pour avoir une vue d’ensemble de tous les aspects de la vie de votre petit. Il regardera s’il y a des tensions et observera la mobilité de la langue et des lèvres. Pour cela, il devra mettre les doigts dans la bouche de bébé. S’il repère un frein restrictif, il vous orientera vers un pédodontiste ou un pédiatre qui pourra établir le diagnostic médical.
La freinotomie
Un geste chirurgical est possible : la freinotomie. Elle consiste à sectionner le ou les freins restrictifs. Ce sont les parents qui décident de faire ou non l’intervention. Il faut prendre le temps de s’informer et de peser le pour et le contre en fonction des symptômes de l’enfant.
La freinotomie peut être pratiquée à n’importe quel âge. Cependant, les résultats seront meilleurs et plus rapides chez un tout petit dont l’anatomie est plus malléable et les compensations moins installées.
La freinotomie n’est en revanche pas magique et elle nécessite un accompagnement avant et après.
L’accompagnement non opératoire
Qu’il y ait intervention ou non, les freins restrictifs buccaux nécessitent un accompagnement pluridisciplinaire :
- Consultante en lactation IBCLC pour accompagner l’allaitement
- Ostéopathe ou chiropracteur pour dénouer les tensions
- Orthophoniste ou ergothérapeute pour la prise en charge des troubles de l’oralité
De plus, les parents ont une place importante puisqu’ils devront pratiquer des exercices pluriquotidiens pour relâcher les tensions et muscler la langue.
L’amélioration prend du temps, mais le curseur des difficultés baisse de jour en jour.
Ce qu’il faut retenir :
- Se faire confiance en tant que parents : vous êtes les experts de vos enfants et êtes les mieux placés pour savoir que quelque chose ne va pas
- S’informer
- Consulter des professionnels compétents et formés
- Prendre le temps pour décider de la conduite à tenir en fonction de la situation de votre bébé et de vos souhaits.
- Un frein restrictif ne signe pas la fin de l’allaitement. Un accompagnement et des solutions existent.
⏭️Plusieurs épisodes de Milkshaker abordent le sujet : je vous invite à écouter les témoignages de :
Camille (épisode 8), Océane (épisode 74), Fatimazahra (épisode 53), Marie (épisode 26), Samuel (épisode 15) , Camille (épisode 41), Clémentine (épisode 32), Louise (épisode 30) , Manon (Hors série 2) et Laureen (épisode 3)