Un professionnel a suspecté ou diagnostiqué un frein de bouche restrictif chez votre enfant, et vous a parlé de la possibilité de sectionner ce frein par une intervention : la freinotomie. Vous vous posez alors de nombreuses questions. Est-ce vraiment utile pour mon bébé ? Qui pratique ce geste chirurgical ? Est-ce douloureux ? Quels sont les bénéfices et les risques ? Je vais répondre à ces interrogations légitimes afin de vous rassurer et de vous donner tous les éléments pour prendre une décision éclairée.
Cet article est basé sur mes échanges avec Noella Rajonson, chirurgien dentiste spécialisée en freinotomie dans l’épisode 19 de Milkshaker.
Pourquoi sectionner un frein de langue ou de lèvre ?
Qu’est-ce qu’une freinotomie ?
On envisage cette intervention pour traiter des freins restrictifs buccaux.
C’est un geste chirurgical pratiqué en ambulatoire qui consiste à couper un frein de langue ou de lèvre afin qu’il ne pose plus de problème pour la motricité de la bouche et ses fonctions (succion, déglutition, apaisement).
Quels sont les différents types de sections de frein ?
On parle de freinotomie quand le frein est coupé, mais que les insertions ne sont pas retirées.
Une freinectomie est une élimination complète du frein qui comprend la muqueuse, la membrane voire une partie du muscle.
Dans la freinuloplastie des sutures sont réalisées.
Il existe une différence entre la section de freins antérieurs et postérieurs. Les premiers se repèrent plus facilement et ce sont eux qui peuvent être ôtés très rapidement dès la maternité. Les freins postérieurs sont plus difficiles à diagnostiquer et traités par des spécialistes.
On rencontre également plusieurs techniques opératoires : ciseaux, laser, scalpel ou bistouri électrique. L’essentiel n’est pas l’outil, mais l’étendue de la section et les effets.
Quelles sont les étapes avant une freinotomie ?
Que vous soyez décidé ou non, le premier stade est de prendre un rendez-vous avec un expert qui pratique cette intervention, car les délais d’attente peuvent être longs.
Ensuite, il est important de se faire accompagner par des professionnels formés, car une freinotomie bien anticipée obtient de meilleurs résultats.
Un thérapeute manuel (ostéopathe, chiropracteur) pour la préparation au niveau moteur
Ce dernier effectue un travail de relâchement des tensions musculo-squelettiques de votre bébé spécifiquement autour des freins. Son action est indispensable pour permettre à la langue et aux autres structures buccales d’acquérir le maximum d’amplitude de mobilité avant de décider de la section d’un frein. Il teste également les mouvements que votre bébé parvient à faire, lui en fait découvrir d’autres, le sollicite et vous indique des exercices pour préparer la freinotomie.
Un orthophoniste pour la rééducation de la fonction des muscles de la bouche
Il vous expliquera comment accompagner et soutenir votre enfant à mieux utiliser ses muscles. Il vérifie qu’il n’y a pas de soucis au niveau de l’oralité et s’assure que le petit est prêt pour l’intervention et ses suites. Les ergothérapeutes formés en périnatalité peuvent aussi vous accompagner sur cet aspect sensitif et sensoriel autour de l’alimentation.
Une consultante en lactation IBCLC
Elle vous aide à poursuivre votre allaitement malgré la présence de freins restrictifs, vous indique les exercices à réaliser et s’assure que votre lactation est pérenne.
Pour stimuler votre nourrisson, vous pouvez regarder les vidéos de la méthode de Michelle Price Emmanuel.
Il n’y a pas de « recette » définie concernant le temps et l’intensité de la préparation. Les besoins sont spécifiques à chaque situation en fonction du bébé et de son âge, des complications déjà en place, de l’allaitement, de la prise de poids et du contexte familial. L’idéal est d’avoir une concertation pluridisciplinaire à laquelle les parents sont pleinement associés.
Comment se passe une freinotomie ?
Qui peut faire une section de freins ?
Ce sont souvent des professionnels de la périnatalité (ostéopathe, consultante en lactation, sage femme…) qui repèrent les freins restrictifs buccaux. Cependant, c’est un spécialiste médical qui pose le diagnostic : chirurgien dentiste, ORL, pédiatre, médecin généraliste…
Ce sont eux, lorsqu’ils sont formés, qui réalisent la démarche.
Quel est le temps de l’intervention ?
Il s’agit d’une procédure simple, et le geste en lui-même ne dure que quelques secondes. Il se pratique chez le nourrisson dans des cabinets de ville. En fonction de l’accompagnement proposé autour de la freinotomie, le temps de prise en charge sera variable.
La freinotomie est-elle douloureuse ?
Les freins sectionnés contiennent des nerfs et sont donc sensibles. Ainsi, une anesthésie locale garantit le confort du bébé. Il peut s’agir d’une injection de produit ou de techniques non invasives comme l’application de froid ou d’un gel, l’administration d’une solution sucrée pour les touts petits ou une tétée.
Existe-t-il des risques ?
Les complications sont faibles et aisées à prendre en charge.
- Persistance de l’inflammation au-delà de quelques jours que les antidouleurs traitent.
- Saignements : la freinotomie engendre une plaie en forme de losange qui peut saigner. Les tétées font office de pansement pour les juguler.
- Infections : il n’y a pas de risque infectieux, car la zone buccale cicatrise bien et vite.
- Granulomes : exceptionnellement, des petits excès de tissu de cicatrisation peuvent se former. Cela ne pose pas de problème pratique.
- Réattachement en raison de la cicatrisation rapide. Dans ce cas, le résultat anatomique n’est pas complet, mais peut être satisfaisant sur le plan fonctionnel.
Quelles sont les suites de l’intervention ?
Ce n’est pas parce qu’on corrige la morphologie qu’on rétablit la fonction. Il est donc souvent indispensable de mettre en place une rééducation après une freinotomie afin de trouver une nouvelle mobilité. De plus, ces exercices permettent d’éviter que le frein ne se reforme pendant la cicatrisation (qui est rapide) et d’eviter les adhérences. Cette rééducation se fait principalement avec les parents et plusieurs fois par jour.
Il est également important d’avoir recours à un thérapeute manuel pour poursuivre le travail sur les stimulations motrices et l’apaisement des tensions. Enfin, dans le cadre d’un allaitement, le suivi avec une consultante en lactation IBCLC est nécessaire. Les effets sont optimaux au bout de 4 à 6 semaines. S’il y a toujours des symptômes couplés à un réattachement, une nouvelle intervention peut être envisageable.
Est-ce indispensable d’effectuer une freinotomie ?
Envisager un geste chirurgical pour son nourrisson peut être très anxiogène. La freinotomie n’a aucun caractère obligatoire puisqu’il n’y a pas d’enjeu vital pour le bébé tant qu’il arrive à se nourrir. De plus, s’il n’y a pas de section des freins, une prise en charge autour des complications est possible. Par ailleurs, vous pouvez décider de le faire plus tard. À noter tout de même qu’entre 1 et 3 ans, la freinotomie est plus délicate. En effet, les enfants coopèrent moins, en particulier pour les suites de l’opération et la rééducation.
Comment être sûr de ne pas passer à côté d’un frein restrictif ?
Vous avez constaté de nombreux signes, mais le professionnel consulté ne va pas dans ce sens. Il existe encore peu de spécialistes formés à la détection de ces freins, surtout s’ils sont postérieurs et donc non visibles de façon évidente. Pour être certain, de ne pas manquer un diagnostic, voici des éléments qui peuvent vous indiquer que le praticien a tout vérifié :
- Il doit regarder tous les mouvements de la langue et tester la succion. Il doit ainsi mettre les doigts dans la bouche de votre bébé.
- Il pose des questions générales sur les manifestations et pas seulement la prise de poids ou les douleurs aux seins.
- Vous pouvez l’interroger sur le type de frein restrictif.
- Vous pouvez lui demander s’il fait les suivis pré et post-freinotomie.
En l’absence de frein restrictif, le spécialiste ne doit pas vous laisser sans solution par rapport aux problèmes que vous évoquez : il doit vous orienter vers une prise en charge de vos difficultés.
La freinotomie est donc un geste simple, qui a des risques faibles et permet de bons résultats. Cependant, elle nécessite une implication des parents et induit une charge mentale.
Il est important pour prendre la meilleure décision d’être bien entouré sur le plan professionnel, mais également personnel. Pour cela, n’hésitez pas à activer le bouche-à-oreille et le réseau du thérapeute qui a repéré un frein restrictif chez votre bébé.
⏭️Pour entendre un témoignage : je vous invite à écouter l’histoire de freinotomie de Manon