Désir de grossesse et allaitement : 5 questions pour comprendre votre fertilité

Comment concilier fertilité et allaitement

Vous avez envie de tomber enceinte tout en poursuivant l’allaitement ? Nous allons voir comment l’allaitement influence la fertilité en déchiffrant les mécanismes hormonaux en place et les interactions qui se jouent entre le processus de lactation et les cycles menstruels. L’objectif est que vous compreniez ce qui se déroule dans votre corps pour maximiser vos chances de vivre une nouvelle grossesse.

Cet article est basé sur mes échanges avec Julie Faurillon, sage-femme et consultante en lactation IBCLC dans les épisodes 55 et 78 de Milkshaker.

Comment se passe un cycle menstruel ?

En moyenne, le cycle dure 28 jours. Nous allons nous appuyer sur cette durée pour la suite de l’explication, mais elle peut varier considérablement d’une femme à l’autre.

Il se compose de deux grandes étapes : 

  • La phase folliculaire de J1 à J14. Pendant cette période, le corps est sous l’influence des oestrogènes qui vont permettre aux ovaires d’amener des follicules à maturation. Un pic de LH (hormone lutéinisante) provoque l’ovulation c’est-à-dire la délivrance de l’ovocyte de plus mature. Il est relâché et rejoint la trompe où il fera potentiellement la rencontre d’un spermatozoïde.
  • La phase lutéale est la seconde partie du cycle qui débute après la libération de l’ovule. C’est maintenant la progestérone qui est sécrétée en quantité importante et qui agit pour préparer le corps à une éventuelle grossesse. Ainsi, le follicule évolue en corps jaune qui est les prémices du placenta. De plus, l’endomètre se développe pour la nidation. Si la fécondation n’a pas lieu, l’endomètre se détruit, et produit les menstruations vers le 28e jour.

Quand redevient-on fertile quand on allaite ?

L’hormone qui déclenche et soutient la lactation est la prolactine. La sécrétion en grande quantité de cette hormone lors de l’allaitement bloque l’ovulation et les cycles menstruels. Les règles sont absentes : on appelle cela l’aménorrhée. La méthode de contraception mama, qui comporte des critères précis, se base sur ce principe.

Pour les femmes qui n’allaitent pas, le retour de couches est beaucoup plus précoce, car le corps stoppe la production de prolactine. La fertilité revient au bout de trois semaines environ.

Dans le cadre d’un allaitement, après la reprise des règles, le redémarrage de la fertilité se fait par étapes.

Phase anovulatoire

Avec l’installation pérenne d’un allaitement, la prolactine décroît un peu, ce qui permet aux ovaires de reprendre leurs fonctions. Au début, les cycles sont anovulatoires en raison de l’absence de pic de LH. Ainsi, la sélection de plusieurs follicules s’opère, mais sans libération d’ovule. Le retour de ce pic hormonal de LH n’est possible que si la prolactine baisse suffisamment. Cette involution est consécutive à une diminution de la fréquence des tétées. Cependant, aucune valeur seuil n’est prouvée et cela dépend de chaque femme.  

Ensuite, les cycles sont de nouveau ovulatoires, mais la phase lutéale n’est pas forcément appropriée pour  l’installation d’une grossesse.

Elle peut être trop courte, ou pas assez chargée hormonalement en progestérone pour permettre la nidation.

En effet, la progestérone est l’amie de la grossesse tandis que la prolactine est l’alliée de la lactation. Or les deux sont antagonistes. Par conséquent, durant l’allaitement, il se peut que la quantité de progestérone soit insuffisante pour l’implantation d’un embryon.

Chaque femme a un fonctionnement corporel et un contexte propre. Ainsi, la présence et la durée des étapes ne sont pas prévisibles. Certaines devront sevrer complètement leur bébé pour espérer être enceintes, tandis que d’autres vivront une grossesse en allaitant.

De plus, la fertilité n’est pas seulement soumise à l’allaitement et de multiples facteurs entrent en jeu (personnels et environnementaux).

Comment savoir si je peux tomber enceinte pendant l’allaitement ?

Pour se repérer dans son cycle et reconnaître l’ovulation, des méthodes naturelles sont possibles.

La courbe de température

Au moment de l’ovulation, la température corporelle augmente soudainement de 0,3 à 0,5 degré et reste à ce palier jusqu’à la fin du cycle. Ainsi en utilisant un thermomètre précis, chaque matin dans des conditions identiques, vous aurez un indice sur la survenue de l’ovulation. On peut alors repérer des difficultés de fertilité même s’il y a ovulation. En effet, si elle est trop précoce, elle empêche une maturation complète des follicules. Concernant la phase lutéale, elle peut s’avérer trop courte pour permettre la préparation de la nidation.

L’observation de la glaire cervicale

Elle est produite au niveau du col de l’utérus. En fonction de la période du cycle, elle change d’aspect. 

  • Elle est soit facilitatrice du passage des spermatozoïdes dans la période de fécondité. Elle est alors collante et peut former un fil en étant étirée entre deux doigts. Elle a l’apparence d’un blanc d’oeuf.
  •  A contrario, elle fait barrage aux gamètes masculins lorsqu’elle est cassante et blanche.

Il est nécessaire de s’entraîner pour percevoir les états de la glaire, et reconnaître si elle est pré ou post ovulatoire.

On peut combiner les deux et repérer d’autres signes : 

  • Les seins qui se tendent et les douleurs de ventre à l’approche des règles 
  • Des petits saignements (spotting) peuvent survenir au moment de l’ovulation et de la nidation.

Des applications peuvent vous accompagner pour consigner vos constatations.

Peut-on allaiter et faire un parcours de fertilité PMA ?

La plupart des centres de PMA préconisent voire imposent l’arrêt de l’allaitement pour commencer le protocole. Ce dernier comporte des étapes avec des injections d’hormones adaptées à chaque situation. Or, la prolactine sécrétée pendant l’allaitement bloque naturellement ces hormones. En conséquence l’allaitement risque d’interférer avec le dispositif. Une PMA est coûteuse et les professionnels veulent maximiser les chances de réussite. 

De plus, à l’inverse, les scientifiques ne connaissant pas les effets néfastes des protocoles de PMA sur le lait et donc l’enfant. Ils appliquent ainsi le principe de précaution, car on ne peut pas faire de tests sur les mères allaitantes et leurs nourrissons.

L’allaitement peut-il provoquer une fausse couche ?

Cette idée reçue se fonde sur la sécrétion d’ocytocine pendant l’allaitement. Or cette hormone provoque les contractions qui aident l’utérus à retrouver sa taille initiale après l’accouchement. Ces contractions pourraient être responsables de fausses couches ou d’accouchement prématuré. 

Dans un contexte normal, il n’y a pas de récepteur d’ocytocine donc il n’existe pas plus de risque de fausse couche en allaitant. Cependant, en cas d’antécédents de fausse couche, le principe de précaution déconseille l’allaitement. A contrario, quand une grossesse s’arrête, l’équilibre hormonal change et cela peut avoir un impact sur la lactation et donc l’allaitement.

 

En résumé, pas de recettes miracles pour tomber enceinte en allaitant ! Toutefois, la compréhension de vos cycles et des signes de votre corps est une aide précieuse pour concevoir le bébé suivant. J’attire aussi votre attention sur le fait que l’allaitement n’est pas le seul élément qui impacte la fertilité : c’est un facteur parmi d’autres qui concernent la femme, mais également l’homme. Si vous rencontrez des difficultés, n’hésitez pas à faire le point avec votre gynécologue.

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