Comment repérer et prendre en charge un trouble de l’oralité chez un bébé allaité ?

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Votre bébé allaité a-t-il des troubles de l’oralité ? Si manger ou téter est une source de difficultés voire de souffrance pour lui, il est peut-être dans ce cas. Je vous propose un tour d’horizon des questions à se poser pour détecter et soigner les troubles de l’oralité pédiatriques.

Cet article est basé sur mes échanges avec Marie, orthophoniste, dans l’épisode 83 de Milkshaker.

Comment savoir si mon bébé allaité a un trouble de l’oralité ?

Des signes précoces peuvent vous alerter sur un trouble de l’oralité chez votre bébé allaité.

  • Il montre de l’inconfort pendant les tétées.
  • Il ne réclame pas à manger ou est dans l’évitement, par exemple en restant endormi.
  •  Il pleure, se débat, fait des grimaces ou refuse le sein.

D’autres facteurs, comme un frein restrictif, des douleurs digestives ou des tensions, peuvent engendrer ces manifestations. En cas de comorbidité, savoir si le trouble de l’oralité est la cause ou la conséquence est complexe. Cela crée souvent un cercle vicieux et une tendance à l’aggravation des symptômes.

Consulter un spécialiste de l’allaitement maternel est donc primordial si vous repérez des difficultés chez votre petit. 

Les troubles de l’oralité sont-ils plus fréquents chez les bébés allaités ?

Aucune raison ni aucune étude ne permet d’affirmer que les troubles de l’oralité touchent plus les bébés allaités. En revanche, l’allaitement est un facteur de protection des troubles alimentaires pédiatriques. Les saveurs variées du lait maternel offrent une initiation précoce à l’exploration des goûts. Cela ne signifie pas pour autant que les bébés allaités ne développent pas ce type de trouble.

Faut-il arrêter l’allaitement en cas de trouble de l’oralité ?

Le sevrage n’est absolument pas une solution pour vaincre les troubles de l’oralité. Au contraire, poursuivre l’allaitement maternel, souvent davantage toléré que le reste de l’alimentation, permet à votre bébé de couvrir ses besoins caloriques. Il préserve ainsi son énergie et peut être disponible pour de nouvelles explorations.

Quels sont les signes d’un trouble de l’oralité au moment de la diversification ?

Pour que la diversification se déroule au mieux, deux éléments clés doivent coexister. D’un côté les parents font des choix en fonction de leurs envies, de leurs croyances et de la connaissance qu’ils ont de leur bébé. De l’autre côté, l’enfant est heureux de découvrir.

Au contraire, certaines manifestations chez votre petit peuvent vous mettre la puce à l’oreille :

  • Des signes d’inconfort, de douleur voire de panique.
  • Un refus, une sélection dans les formes, les couleurs ou même les températures.
  • Une néophobie alimentaire précoce et exacerbée.
  • Un manque d’intérêt ou d’appétit.
  • Des troubles du comportement au moment des repas.
  • De la passivité.
  • Des troubles sensoriels plus étendus. Par exemple, un bébé qui ne supporte pas d’avoir les mains sales ou qui refuse de mettre ses pieds dans l’herbe ou le sable, etc.

En tant que parent, même si c’est votre premier enfant, vous identifierez que quelque chose ne tourne pas rond. Se faire confiance dans ses ressentis est important et consulter n’est jamais superflu.

Quelle est la différence entre un trouble de l’oralité et la néophobie alimentaire ?

La néophobie alimentaire c’est littéralement la peur des aliments nouveaux. Elle est tout à fait normale autour de deux ans et est liée au développement de l’enfant. En effet, comme il gagne en autonomie, il doit être en mesure de trier pour se protéger. Pendant cette période, les petits préfèrent alors la nourriture qu’ils connaissent déjà. Ensuite, cette phase est naturellement dépassée grâce à l’apprentissage et à l’imitation. Encourager votre enfant à observer, faire des découvertes et des expériences est donc très important à cet âge.

En cas de trouble de l’oralité, la néophobie alimentaire sera particulièrement vive. Généralement, les parents perçoivent bien que leur bébé a un comportement plus inquiétant que les autres.

Quand consulter si mon bébé allaité a un trouble de l’oralité ?

Vous n’avez pas besoin d’attendre que toute la liste des symptômes soit présente pour vous diriger vers un professionnel. Si vous observez deux ou trois signes importants et persistants, cela suffit. De manière générale, dès que vous ou votre petit souffrez de la situation, ne pas rester seul est primordial. La réassurance d’un soignant permet d’éviter que votre inquiétude ne vienne aggraver le contexte.

En effet, une fois que la sphère affective et émotionnelle est impactée, cela peut créer des blocages.

Que faire en attendant le rendez-vous avec un spécialiste ?

Les professionnels qui prennent en charge les troubles de l’oralité sont les orthophonistes et les ergothérapeutes. Ils ne sont pas tous spécialisés dans ce domaine, donc bien choisir votre interlocuteur est important. En pratique, avoir un rendez-vous rapidement peut être compliqué. En patientant, vous pouvez déjà appliquer quelques principes.

  • Éviter à tout prix le forçage alimentaire.
  • Favoriser les découvertes sensorielles non alimentaires : vous pouvez faire le plein d’idées en tapant « activité sensorielle + âge de l’enfant » sur un moteur de recherche. 
  • Jouer avec des aliments sous leur forme non comestible comme la semoule sèche, par exemple.
  • Enrichir les plats qu’il tolère avec de la crème ou du beurre. Cela permet de se concentrer sur le plaisir alimentaire sans trop penser à la quantité.
  • Faire des présentations originales : sous forme d’apéro avec des piques ou de dessin dans l’assiette. Là encore, vous pouvez vous inspirer sur Internet.
  • Amener votre petit à accepter progressivement certains aliments. D’abord, être en présence de l’aliment puis le regarder, le toucher, le sentir, le toucher du bout des lèvres, poser le bout de la langue dessus, le croquer et finalement le manger. Chaque étape doit être célébrée en évitant de se focaliser sur l’objectif.

Enfin, vous pouvez tenir un cahier de suivi qui vous permet de visualiser l’avancée des progrès et de donner au professionnel des éléments concrets au moment de votre rendez-vous.

Comment traiter un trouble de l’oralité ?

En orthophonie le travail sur les troubles de l’oralité se fait autour de 3 axes qui sont indissociables.

Le travail de désensibilisation

En fonction de l’enfant et de l’intensité des difficultés, la désensibilisation peut commencer par d’autres parties du corps avant de pouvoir accéder à la bouche et enfin à l’intérieur de la bouche.

Le travail moteur

Le professionnel intervient sur la faiblesse motrice, le manque d’endurance et le manque de coordination (langue, lèvre, joue). Cela passe par des stimulations avec différents outils et un apprentissage moteur au niveau de la bouche.

La technique alimentaire

L’objectif est d’aller d’un aliment connu vers un aliment cible en passant par toutes les étapes nécessaires. Par exemple, si on souhaite passer des frites à la purée de carottes : frites/pommes noisettes/pommes rissolées/pommes de terre vapeur/purée de pommes de terre/purée de carottes.

En combien de temps peut-on espérer une amélioration ?

Les évolutions doivent être immédiates et permanentes. En effet, le professionnel, qui situe la zone proximale de développement, suggère des exercices qui permettent à l’enfant d’être toujours dans l’apprentissage tout en étant dans la réussite. Les objectifs doivent être clairs et quantifiables et le soignant doit les partager avec vous. Vous devez être impliqués et pouvoir noter toutes les victoires.

De plus, le travail doit se poursuivre à la maison. Soyez vigilant à l’adaptation des entraînements proposés à votre mode de vie et d’alimentation. Enfin, essayez de différencier les temps de travail et de repas afin de préserver le plaisir et les apports énergétiques.

Quand un trouble de l’oralité peut-il être pris en charge ?

Les troubles de l’oralité peuvent être traités dès les premières semaines de vie d’un bébé et sans limite d’âge ! Même les adultes sont concernés ! À partir du moment où les problèmes viennent impacter l’alimentation, voire créer de la souffrance, des exercices sont susceptibles d’améliorer la situation. En revanche, plus ils sont anciens et ancrés, plus cela nécessite du temps et de l’implication.

En résumé, faites-vous confiance ! Vous êtes les premiers spécialistes de votre petit. Si vous repérez une difficulté alimentaire chez votre bébé, allaité ou non, ne culpabilisez pas et prenez contact avec un professionnel pour vous guider dans l’accompagnement de votre enfant.

🎙️Écoutez le témoignage de Juliette dans l’épisode 82 bis de Milkshaker.⏭️Pour aller plus loin, je vous invite à découvrir le site Internet de Marie.